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Les travaux de réfection du clocher de l’église de Tourrettes, engagés en 2019 pour une nécessaire mise hors d’eau de l’édifice, ont intégré le projet de recouvrement de la coiffe pyramidale par une toiture de tuiles vernissées dites « en écailles de poisson ». Cette magnifique structure aux couleurs du blason de Tourrettes, se dresse au-dessus des toitures et pointe fièrement sa flèche sur laquelle le coq gaulois de la girouette renferme la dédicace des compagnons qui l’ont réalisée. Les visiteurs utilisent souvent le qualificatif de « clocher bourguignon », ce qui nous amène à apporter quelques précisions qui, sans s’inscrire en faux contre ce vocable en partie exact, rétablissent l’origine historique de cette tradition dont la Bourgogne n’a pas l’exclusivité. En 933, un état féodal est créé par Rodolphe II, un bosonide souverain de Haute-Bourgogne, qui acquiert la Basse-Bourgogne à Hugues d’Arles, un domaine qui intègre le duché lyonnais, le marquisat de Viennois, la Provence et une partie du Languedoc. Le royaume ainsi créé prend le nom de royaume d’Arles, il perdurera jusqu’en 1378. L’usage de la tuile vernissée pour les toitures des édifices civils et religieux s’est répandu sur l’ensemble du territoire, développant un usage utilitaire devenu une tradition, loin de toute fantaisie décorative, de tout souci d’originalité ou de manifestation « d’exotisme ».
Origines de l’usage de la tuile vernissée
L’archéologie a recensé les premiers tessons qui font apparaître la terre vernissée en Gaule dès le premier siècle de notre ère. La période gallo-romaine voit se répandre l’usage de la poterie vernissée qui s’imposera au cours du Moyen-âge. C’est d’abord en Chine, où elle fut découverte quatre siècles avant notre ère, que s’est développée l’utilisation de la technique de la glaçure plombifère verte unie. Elle gagne ensuite l’Occident, au 16ème siècle, par la création des passerelles commerciales qui font suite aux explorations maritimes vers l’Orient des puissances européennes. Appliqué tout d’abord aux contenants de liquides, c’est parce que le procédé permettait l’imperméabilisation du matériau, et le mettait de fait hors gel, que l’homme l’appliqua à la fabrication des tuiles pour le revêtement des toitures et des façades exposées aux éléments. L’utilisation de la tuile vernissée a gagné l’Europe centrale, les pays allemands puis, en France, la Franche-Comté et la Bourgogne, incluse dans le domaine du royaume d’Arles.
Entre le 17ème et le 18ème siècle, la fabrication de la tuile vernissée se diversifie. Caractérisée par une argile rouge, recouverte d’engobe blanc ou coloré d’oxydes métalliques, elle gagne les régions alpines du Sud et la Provence. Unie ou décorée, la tuile de terre vernissée est émaillée avec une glaçure translucide et cuite aux alentours de 1000°C. Salernes et Cotignac en ont été des centres de production très actifs. La bonne résistance, la pérennité et les qualités imperméables en ont fait un matériau de prédilection pour la couverture des édifices et pour l’isolation des murs contre la pluie et le mistral, comme par exemple les façades des maisons du village de Carcès. Les magnifiques effets polychromes et la structure de la tuile « en queue de castor », ou en « écaille de poisson », l’ont faite privilégier pour le recouvrement des clochers en forme de pyramide de la Provence alpine, de la Basse Provence et du Comté de Nice. Aujourd’hui encore, dans ces territoires, une centaine d’édifices civils et religieux conservent encore ce type de toitures couvertes en tuiles vernissées.Gérard Saccoccini