Dans une mer d’oliviers, au cœur du vignoble de Chianti Montalbano, le petit village de Vinci abrita une relation amoureuse illégitime entre Caterina, une jeune paysanne, et le notaire Ser Piero Fruosino, chancelier et ambassadeur de la République de Florence, issu d’une famille de notables importants et de riches propriétaires terriens.
Le samedi 15 avril 1452, à la troisième heure de la nuit, après l’Ave Maria (soit 22h30), dans le hameau d’Anchiano, proche de Vinci, vient au monde un petit garçon que l’on baptise Lionardo. Il grandit insouciant et joyeux, choyé par sa mère et son père, par une grand-mère céramiste qui l’initie à l’art et par un grand-père qui ne cesse de lui répéter « po l’occhio » (ouvre les yeux) pour aiguiser sa curiosité.
Un des dessins de Léonard de Vinci qui pourrait représenter le projet de Romorantin
Il suit l’enseignement de la seule école d’abaque car sa condition de bâtard lui interdira l’accès aux études supérieures (il apprendra le latin et le grec à l’âge de quarante-cinq ans). Il est éveillé, doué pour le dessin, curieux de tout, mais son incapacité à fixer son attention suscite l’inquiétude de son père qui décide de le confier à son ami, le maître Andrea del Verrochio, pour faire sa formation de peintre à Florence.
En 1482, après son passage au cénacle médicéen, Leonardo da Vinci s'installe à Milan, invité à la cour prestigieuse de Ludovic le More sur recommandation de Laurent le Magnifique, où va s’affirmer et s’épanouir un génie universel à caractère autodidacte.
2 versionsde la maquette représentant le palais imaginé par Léonard de Vinci sont visibles
au Musée de Sologne à Romorantin
Invité par François 1er, Léonard arrive en France et s’installe au manoir du Cloux, actuel Clos-Lucé, proche du château d’Amboise, dans le superbe parc de ce qui fut la propriété de Louise de Savoie, mère du souverain.
Le roi vabientôt lui présenter une demande, aussi étrange qu’insolite, appuyée par sa sœur Marguerite de Navarre, femme de lettre protectrice de Rabelais, et par de jeunes intellectuels de sa cour, adeptes de la pensée d’Érasme.
Léonard de Vinci devait construire sa cité rêvée dans le prolongement du château de Louise de Savoie, mère de François 1er, au bord de la Sauldre
Il s’agit de faire de Romorantin, centre urbain plus que modeste à l’époque, la nouvelle capitale du royaume de France, pivot et levier d’un grand dessein national de développement économique. François 1er opte résolument pour une Renaissance des apparences et du prestige, qui sera la vitrine du pouvoir d’un grand monarque « Père des Arts », bouleversant les traditions architecturales italiennes pour en extraire une sensibilité territoriale française par des expressions totalement assumées.
Cette volonté de développement économique et d’ouverture sur le monde, impliquait qu’il faille aussi aménager les voies fluviales de liaison vers le cours de la Seine et le grand couloir naturel Nord-Sud Saône-Rhône.
Mais, en 1518, à la suite de l’accident vasculaire cérébral dont il a été victime à Rome, Léonard est déjà très malade et ses forces déclinent. Il n’a plus la force de diriger des opérations d’une telle envergure. Le 2 mai 1519, le plus grand génie de tous les temps s’éteint, « dans les bras d’un souverain éploré » nous dira la légende.
Tous les gigantesques projets d’aménagement du territoire seront enterrés avec lui. Celui de Romorantin, le rêve de capitale idéale, ceux des liaisons fluviales vers l’Atlantique et la Méditerranée, et celui vers le bassin de la Seine (la construction du canal de Briare sera achevée presqu’un siècle plus tard par Sully).
Les travaux de jonction de la Loire à l’axe Rhône-Saône qu’il avait projetés ne commenceront qu’en 1783, sur décision des Etats de Bourgogne.
L’ensemble de ces réalisations procédait d’un dessein national pour Romorantin et d’une volonté politique affirmée du souverain pour la promotion commerciale de son territoire.
C’est certainement pour ces projets - les plus gigantesques imaginés pour la grandeur de la France – et pour la construction du Havre de Grâce, point de départ des grandes voies maritimes (actuel port du Havre), que François 1er a appelé Léonard en France.