15 FÉVRIER 2023
Le cinquième centenaire de la disparition de Léonard de Vinci, survenue le 2 mai 1519 au manoir du Clos Lucé, a fait ressurgir tous les mystères qui nimbent sa vie et son œuvre. Ainsi deux médecins italiens, le chirurgien plasticien Davide Lazzeri et le neurologue Carlo Rossi ont publié une nouvelle étude - la thèse n’est pas inédite -, dans le Journal of the Royal Society of Medecine, dans laquelle ils reviennent sur l’hypothèse d’une parésie de la main droite du maître, qui l’aurait touché à la fin de sa vie.
Selon ces deux chercheurs, Léonard aurait été frappé par une lésion nerveuse (paralysie ulnaire ou cubitale) handicapante, qui lui aurait interdit de tenir sa palette de la main droite. L’hypothèse d’une incapacité partielle du maître Toscan est loin d’être inédite. Au XVIe siècle déjà,Antonio de Beatis, secrétaire du cardinal Louis d’Aragon, dans les récits de ses voyages, l’avait suggérée: «En raison d’une paralysie de la main droite, on ne peut plus attendre de lui des chefs-d’œuvre. Il a formé un disciple milanais, Francesco Melzi, qui travaille très bien. Car si maître Léonard n’est plus capable de peindre avec la délicatesse qui fut la sienne, il continue toutefois à dessiner et à enseigner.»
Les deux médecins sont parvenus à cette conclusion grâce à l’étude d’un portrait de Léonard de Vinci, attribué à un artiste lombard du XVIe siècle, Giovanni Ambrogio Figino. Une thèse qui diffère de l’explication la plus souvent avancée, et qui attribue cette paralysie de la main droite aux séquelles d’un accident vasculaire cérébral. D’autres évoquent aussi la maladie de Dupuytren, une affection qui provoque une contraction des doigts et une déformation de la main.Cette sanguine montre le génie de trois-quart. Son bras droit est enveloppé par son vêtement (comme s’il était en écharpe), dont sa main droite émerge, les doigts en partie contractés et dirigés vers le haut. Pour le professeur Lazzeri, cité dans un résumé de l’étude, «plutôt que de dépeindre un poing fermé, typique d’une spasticité musculaire consécutive à un accident vasculaire cérébral, ce portrait suggère un diagnostic alternatif tel qu’une paralysie cubitale, communément appelée «main en griffe».
«Cette paralysie du nerf cubital serait la conséquence d’un évanouissement (ou syncope), qui aurait provoqué un traumatisme dans la partie supérieure de son bras droit», avance le médecin spécialisé dans la chirurgie réparatrice et esthétique. Pour les deux médecins, si la mort de Léonard de Vinci pourrait bien avoir été provoquée par un incident cardiovasculaire, son handicap manuel ne s’est accompagné ni d’un déclin cognitif, ni d’autres troubles moteurs, ce qui affaiblit la thèse d’un AVC. Et selon le professeur Lazzeri, «cela pourrait donc expliquer pourquoi il a laissé de nombreux tableaux inachevés, dont La Joconde, durant les cinq dernières années de sa carrière, tout en continuant à enseigner et à dessiner».
L’intérêt porté au dessin de Giovan Ambrogio Figino est loin d’être nouveau. Le grand spécialiste italien de la geste vincienne, feu le professeur Carlo Pedretti (1928-2018), avait eu une tout autre interprétation de l’œuvre en 2002. «...Le mouvement de la main qui tient le mouchoir s’explique bien en liaison avec le tableau Martinez, où il est justifié par l’acte de Démocrite en train d’essuyer ses larmes», expliquait-il.
La controverse, comme toujours avec Léonard, ne finira certainement jamais. Une autre étude, réalisée par des chercheurs du Musée des offices de Florence publiée en 2019, a confirmé que le divin peintre avait été capable d’écrire, de dessiner et de peindre aussi bien de la main gauche que de la main droite, en se basant sur une analyse de son œuvre la plus ancienne. Et il est avéré qu'il dessina encore au Manoir de Cloux. Et c’est là, à un vol d’oiseau du château royal d’Amboise, qu’il retravailla le visage et le drapé bleu sur la gauche de Sainte Anne... Un autre de ses immortels chefs-d’œuvre.
B. Montagne d'après des articles de l'AFP