FÊTES PAÏENNES, FÊTES RELIGIEUSES, FÊTES POPULAIRES                                                        D’où vient la fête d’Halloween ?               Gérard Saccoccini

15 Novembre 2022 


En France, c’est à la fin des années 1990 que se manifeste et se répand la célébration d’Halloween, une fête devenue populaire par l’engouement qu’elle suscite chez les enfants. Chaque 31 octobre, elle est l’occasion pour eux de se déguiser en personnages terrifiants, fantômes et sorcières, pour organiser une chasse aux friandises, appelée « trick or treat *» outre-Atlantique, car c’est bien de là qu’elle nous vient, sous une forme qui ne permet plus d’en identifier l’histoire et le sens profond. Mais que signifie t’elle, quelles sont ses origines et que veut dire Halloween ? 

Dans la langue anglaise, le nom d’Halloween est formé à partir d’une contraction de l’expression « All Hallows Eve » que l’on peut traduire par « la veille du jour dédié à tous les saints ». Il y a quelques 3 000 ans, remontant à la nuit des cultes celtiques ancestraux, la fête célébrait la puissance des dieux régissant les saisons, et plus particulièrement de celui qui présidait à l’inversion du temps, au passage du temps de la lumière vers le temps de la nuit, de la clarté de l’été vers les ténèbres de l’hiver. 

Bien que païenne, c’est donc bien d’une fête religieuse qu’il s’agit. Soucieuse d’éradiquer les cultes païens, l'Église catholique superposera à leurs rituels des célébrations codifiées sous l’égide d’un saint patron. C’est ainsi que la commémoration de tous les martyrs chrétiens, auparavant célébrée le 13 mai, sera déplacée au 1er novembre et sera « rebaptisée » fête de la Toussaint. Simple coïncidence ou volonté délibérée d’accaparement ? 

Les origines  


Les fêtes religieuses celtiques principales, étaient au nombre de quatre. 

Samain était la première de l’année, célébrée au début de la pleine lune la plus proche du 1er novembre, dans le mois de samonios (cf. calendrier de Coligny*).  C’était le passage de la période claire à la période sombre, la fin d’un cycle pastoral et le début du suivant, l’ouverture vers le Monde des dieux et des mânes permettant aux défunts de revenir dans le monde des vivants. Elle a survécu dans la célébration d’Halloween. 

Imbolc, dédiée à Brigid, déesse de la fécondité, était célébrée au début du mois d’anagantios (1er février). Elle commémorait le réveil de la terre et la montée du lait chez les brebis. Remplacée par les Romains par les Lupercales, transposée chez les chrétiens en Sainte Brigitte, abbesse de Kildare, dont le symbole est la croix de chaumes de blé. Elle se confond aujourd’hui avec la Chandeleur dont le nom évoque les chandelles utilisées pour la présentation de Jésus au Temple, 40 jours après Noël. 

Cependant, la tradition des crêpes reste d’origine païenne : la galette ronde et dorée figurait le disque solaire et le retour à la lumière et intégrait la célébration du cycle des saisons et l’espérance de bonnes récoltes. 

Beltaine. Fête du Renouveau, célébrée la nuit précédant le 1er mai, marquait le passage de la saison sombre à la saison de lumière, le début des travaux des champs, la reprise de la chasse et de la guerre. Les druides allumaient des feux purificateurs immenses autour desquels le peuple dansait et fêtait la renaissance de la Nature. 

La tradition d’offrir un brin de muguet porte-bonheur s’est superposée à cette fête et il semblerait que le roi Charles IX, au 16ème siècle, soit à l’origine de cet usage délicat, ayant décidé d’en offrir un brin tous les premiers mai aux dames de la cour.  

Lughnasa (assemblée de Lug) La Fête de Lugh avait lieu au début du mois d’Elembivios, approximativement le 1er août, pendant la période des récoltes, au début de l’automne gaulois. Lugh, Lugus, « le lumineux », le dieu visionnaire qui voit tout, était l’entité divine du panthéon gaulois, au sommet de la hiérarchie mythologique celte. Il était le dieu-roi, Souveraineté suprême et Homme primordial, auquel étaient dédiées les récoltes, les moissons, l’abondance de la terre, le lien social et les mariages. La lance, les loups et les corbeaux sont ses attributs. L’étymologie de certains noms de lieux garde encore sa trace, comme Lugdunum (Lyon) qui signifierait « colline des corbeaux » parce qu’un vol de corbeaux aurait indiqué le site aux premiers colons. 

  Un peu d’Histoire 

La terrible famine qui sévit de 1845 à 1851 en Irlande et, dans une moindre mesure en Ecosse, provoqua une émigration massive de population vers le nouveau monde. Les émigrants apportèrent dans leurs bagages les contes et légendes qui participèrent à la pérennisation, au renouveau et au maintien de la fête d’Halloween, puis à son essor aux Etats-Unis. C’est dans les années 1920 qu’elle fut l’objet d’une récupération dont l’objectif commercial et le mercantilisme qui s’y rattacha finirent par la déconnecter du sens profond originel. 

Un brin de légende 

Parmi les légendes venues d’Irlande attachées à Halloween, celle de Jack le Forgeron, dit Jack O’Lantern, figure populaire et célèbre pour avoir piégé et berné le diable à maintes reprises, est à l’origine de la tradition de la citrouille évidée sous forme de masque grimaçant, éclairé par une bougie fixée à l’intérieur. Jack était un avaricieux, riche comme Crésus, ivrogne invétéré, paresseux, égoïste, indifférent à la détresse de son prochain et d’une rare méchanceté. A sa mort, l’accès au paradis lui fut refusé ainsi que l’entrée aux enfers. Le diable le condamna à errer dans une nuit éternelle jusqu’au Jugement ultime qui devait le délivrer du châtiment. Pour éclairer sa route, Satan lui offrit un charbon incandescent que Jack enferma dans un navet évidé pour le protéger du vent. Aux Etats-Unis, pays riche où la culture du navet n’était pas en faveur, la citrouille a remplacé le misérable tubercule de pauvre de la légende. 

Il semble que l’élément déclencheur de l’engouement suscité en France ait été, en 1997, la récupération « marketing » de cette fête américaine pour la campagne de promotion organisée par France Télécom Itinéris afin de commercialiser un téléphone mobile de couleur orange appelé Olaween. 

A cet effet l’opérateur avait fait installer 8 000 citrouilles dans les jardins du Trocadéro, un évènement qu’accompagnait, avec le succès que l’on connaît, le film d’épouvante « Scream », sorti  la même année. 

Les siècles passent, voire les millénaires, et les générations se succèdent. Quelles que soient les volontés de suppression, d’abolition ou d’accaparement, quelles que soient les décisions sociétales ou politiques, la mémoire collective conserve le patrimoine immatériel culturel qu’elle restitue sous des formes différentes, surprenantes parfois. Si elles en font oublier le sens profond, le souvenir demeure. 

Un sapin décoré de guirlandes et de bougies restera toujours un « arbre de Noël », même si l’on veut aujourd’hui supprimer le vocable « marché de Noël » pour le remplacer par celui de « marché d’hiver » (?). 

Appendice. 

Trick or treat - Cette interjection est aujourd’hui le prétexte, pour les enfants, permettant de récolter une moisson de bonbons le soir d’Halloween. Elle procède d’une ancienne coutume irlandaise : une fois l’an, les familles les plus démunies allaient solliciter les familles aisées pour demander de l’aide. Celles qui s’y refusaient s’attiraient les foudres des miséreux. La phrase exprime une alternative : une friandise ou un sort !

 Calendrier de Coligny – Découverte fortuite d’un agriculteur de Coligny (Ain), dans un champ proche de la voie romaine, le calendrier est une pièce tabulaire de bronze retrouvée en morceaux. Datée du 2ème siècle, la table est la copie d’un calendrier gaulois plus ancien qui fixait les dates des fêtes religieuses et rituels propitiatoires ainsi que les jours fastes et néfastes dans le rituel celtique.