DES MILLIONS AU CIMETIÈRE?                           (De Tourrettes bien sûr!)                                             Élizabeth Duriez

15 Juin 2021 

Cimetière, du latin coemeterium, vient du grec Koimeterion, lieu où l’on dort, lieu de sépulture….Dormir, car dans les principes religieux, on n’est pas proprement morts, mais l’on dort en attendant la résurrection générale.

   Dans le monde antique,  il était interdit d’inhumer ou de brûler les cadavres à l’intérieur de la cité.

 Plus tard, les Empereurs permettront l’inhumation intra muros; le cimetière étant un lieu sacré et inaliénable où « reposent » les morts.

   Sous l’empire de Charlemagne, pour rompre définitivement avec la coutume païenne de la crémation des dépouilles, il est prescrit l’obligation de l’enterrement et l’interdiction jusqu’à une date récente (1964) de l’incinération. Les Chrétiens des premiers siècles ont une croyance aiguë en la proche résurrection d’un « corps glorieux ».

 Donner une sépulture aux défunts avec l’idée que plus on est proche de Dieu, plus on est sous sa protection, amène à choisir de se faire inhumer dans, et autour de l’église. Pourtant les inhumations dans les églises furent interdites sauf pour les évêques, les abbés et parfois certaines corporations. Bien que ces interdits soient réitérés jusqu’à la fin du IXe siècle, l’usage d’enterrer dans l’église se fait insensiblement. 

On n’y enterre d’abord  les dignitaires laïcs et ecclésiastiques, les fondateurs, puis les bienfaiteurs d’églises et de couvents; enfin, depuis plus de huit cents ans, on y enterre les laïques indifféremment. 

Juridiquement, les tombes sont de deux sortes:

 - celles des fondateurs d’églises et de chapelles leur appartiennent en toute propriété ainsi qu’à leurs descendants ou successeurs;

 - les parties du sous-sol d’une église peuvent être concédées sans limitation de durée à des familles ou à des corps organisés.

 Mais le clergé peut autoriser l’inhumation dans le sol de l’église, sans besoin de concession.

   Le cimetière étant terre sainte, il était logique, sous l’Ancien Régime et même, dans une certaine mesure, jusqu’en 1904, que ceux qui n’étaient pas morts dans la communion de l’église n’y aient pas accès. 

Le refus d’obsèques religieuses emportait nécessairement le refus proprement dit de sépulture.

 En sont exclus : les comédiens, les enfants morts sans avoir été baptisés, les suicidés, ceux qui meurent dans les tournois et les duels, les usuriers publics, les excommuniés, les hérétiques, les apostats, les schismatiques, etc…Les condamnés à mort ne pouvaient recevoir la sépulture ecclésiastique qu’après accord du pouvoir civil. Mais dans le cas d’hérésie ou de sorcellerie, ils étaient brûlés et leurs cendres jetées au vent. 

  En ce qui concerne l’inhumation des épouses et des veuves, celles-ci  doivent être enterrées avec leurs époux. Les époux partageront la même tombe, car ils ne sont qu’une seule chair et l’homme ne doit pas séparer ceux que Dieu a unis. Une femme qui a été mariée plusieurs fois sera enterrée avec son dernier époux, dont elle conserve le domicile et le nom. Une femme décédée avant son mari, et n’ayant pas de sépulture, doit être inhumée dans celle choisie par son époux ou dans celle de ses ancêtres si le mari n’a choisi aucune sépulture.  

 Comme les cimetières sont « terre sainte », ils sont donc fermés aux autres religions. Ce qui causera beaucoup de problèmes au XVIe siècle avec l’apparition de la religion protestante. Le cimetière commun aux deux confessions est rare. 

Cela occasionnera des obsèques dans des lieux improbables comme un jardin, une cave, …  

 Le XVIIIe siècle amène une évolution dans les mentalités. On s’inquiète à propos des corps décomposés , de leur « redoutable chimie », et donc de son voisinage avec les habitations. 

Ainsi c’est la coupure. 

Avant 1750, le cimetière est « terre d’église », au milieu de la cité, ouvert à tous, et les sépultures dans les églises sont fréquentes.

 Mais par le décret du 23 Prairial An XII (12 Juin 1804), Napoléon, Empereur des Français, décrète qu’il appartient, sauf exception, aux communes de s’occuper des cimetières, où tout un chacun a droit d’y être enterré; l’endroit est normalement clôturé et repoussé hors de la ville; les sépultures dans les églises interdites. (Ceci est la résultante d’une loi de la Convention du 12 Frimaire An II (1793) signifiant que les cimetières déjà appartenant aux églises appartiennent désormais aux communes; (décision définitive). Ce décret informe également sur l’emplacement des cimetières, leurs conceptions, la taille des fosses.

   Un décret du 19 Juin 1808 permettra aux évêques et archevêques d’être inhumés dans leurs cathédrales après décision du Chef de l’Etat, (jusqu’en 1905), sur avis du ministre des cultes. Subsistent également les affectations spéciales de Saint-Louis-des-Invalides réservé aux dignitaires militaires, de La Chapelle des Orléans à Dreux et de La Chapelle Impériale d’Ajaccio, auxquelles s’ajoute le cas particulier du Panthéon.

   Mais l’Ordonnance Royale relative aux cimetières du 6 Décembre 1843, voulue par Louis-Philippe 1er, Roi des Français, va définitivement gérer nos cimetières; Cette loi est toujours d’actualité. 

  Art.1er: Les dispositions des titres Ier et II du décret du 23 Prairial an XII, qui prescrivent la translation des cimetières hors des villes et des bourgs, pourront être appliquées à toutes les communes du royaume.

 Art. 2: La translation du cimetière, lorsqu’elle deviendra nécessaire, sera ordonnée par un arrêté du préfet, le conseil municipal de la commune entendu. Le préfet déterminera également le nouvel emplacement du cimetière, sur l’avis du conseil municipal et après enquête de commodo et incommodo. 

Art. 3: Les concessions de terrains dans les cimetières communaux, pour fondation de sépultures privées, seront, à l’avenir, divisées en trois classes: 

          1. Concessions perpétuelles. 

          2. Concessions trentenaires.         

          3. Concessions temporaires. 

Une concession ne peut avoir lieu qu’au moyen du versement d’un capital, dont deux tiers au profit de la commune, et un tiers au profit des pauvres ou des établissements de bienfaisance. Les concessions trentenaires seront renouvelables indéfiniment à l’expiration de chaque période de trente ans, moyennant une nouvelle redevance qui ne pourra dépasser le taux de la première.

 A défaut du payement de cette nouvelle redevance, le terrain concédé fera retour à la commune, etc…(je vous fais grâce du reste).

   La résultante à Tourrettes :

   1) Il y a de cela trente ans, fut entrepris la restauration du sol de l’église actuelle datant du début du XVIe siècle. On y trouva des ossements. Mais la mairie ne donna pas suite. 

Alors que peut-on supposer? 

- S’agit-il des défunts tourrettans, lorsque le cimetière attenait à la première église du XIe siècle? (Edifice qui se trouvait à l’emplacement de l’actuelle maison qui jouxte l’église).

 - S’agit-il de malheureuses victimes des guerres de Religion? Ou autres périodes?

 Nul ne le sait. Mais peut-être qu’un jour des recherches seront entreprises… 

  2) Au cimetière actuel de Tourrettes, la partie « historique « se trouve à gauche de l’entrée, après avoir longé la façade ouest de la Chapelle des Pénitents. Quelques personnalités tourrettanes y sont enterrées. Elles se trouvent essentiellement dans le carré central de cette partie du cimetière.  

 Suite à l’Ordonnance Royale de 1843 concernant les concessions, cette loi fut mise en exergue sous le Second Empire. On peut imaginer que seules les personnes ayant un certain statut pouvaient se permettre d’acheter une concession. Les autres, n’ayant pas les moyens étaient toujours enterrés suivant les anciennes traditions, à savoir mis dans un linceul et directement en terre et ce, pendant cinq ans. Seule une croix plantée sur le monticule de terre signifiait la présence d’une tombe. Au bout de cinq ans, les ossements des défunts étaient transférés dans l’ossuaire; la fosse commune étant réservée aux indigents.

   La première personne qui acheta une concession au cimetière de Tourrettes est Madame Anne Scolastique Talent, veuve du Général Fabre. Après négociation avec la Mairie durant l’année 1863, elle obtint la concession le 13 Janvier 1864. L’emplacement est pour elle-même et pour les membres de sa famille. C’est une concession perpétuelle. Ainsi, certains membres de sa famille se trouvent effectivement dans cette tombe, tous honorables notables de la région. 

 Mais où se trouve le Général Fabre?? C’est la grande question! 

Certes il ne serait pas le premier personnage célèbre en France à ne pas avoir de sépulture connue. Difficile à le croire dans un si petit village… 

Pendant la fête de la Saint Martial à Tourrettes en Septembre 1867, un habitant de Montauroux rendit visite à Madame La Générale. Dans une lettre à son fils, il expliquera qu’en quittant son hôtesse, il est passé devant la tombe du Général au pied de l’escalier.

 Donc en 1867, le Général est toujours enterré au château.

 Et là intervient une première hypothèse: 

Si ce Montaurousien en est convaincu lors de sa visite au village, il n’en est pas de même pour certains Tourrettans. Car il est admis que dans la salle du rez-de-chaussée, un socle ovale destiné à recevoir son tombeau a été réalisé avant son décès en 1844. Mais le Général serait mort avant la fin des travaux et aurait été enseveli dans une sépulture provisoire qui s’avèrera définitive car le tombeau n’aurait jamais été achevé.

 Dans ce cas précis, impossible de le retrouver, car la loi de 1843 n’est pas encore appliquée à Tourrettes. 

  La Générale décède en 1877. Et après? On sait que la succession fut difficile, le château étant devenu copropriété de copropriétaires. Le château fut démantelé et devint une ruine plus rapidement que s’il avait été victime d’un séisme. Le maire du village, devant le vandalisme, fit transporter les restes du Général au cimetière. Mais où?? (Ceci est la deuxième hypothèse).

 Sachant que l’église ne sépare pas les époux dans la vie comme dans la mort, on peut supposer que son corps se trouve au côté de son épouse…Mais nous n’en avons pas la trace.

   Troisième hypothèse: Les descendants du Général Fabre sauraient-ils où il est enterré? (Ils ne se sont jamais exprimés à ce sujet.) 

  Autres hypothèses:

 D’autres suggèrent qu’il serait peut-être enterré dans une des tombes de l’un de ses frères, mais là encore…Aucune trace! 

Beaucoup de spéculations courent …

   Peut-être que la Mairie de Tourrettes devrait procéder comme la reine d’Angleterre! 

  En effet, dès son accession au trône, Elizabeth II a lancé un défi, car elle est également Duc de Normandie (et non Duchesse): 

11 millions de livres à qui trouvera les restes de son ancêtre, la belle et sulfureuse Aliénor d’Aquitaine. Elle est morte à Poitiers, mais son gisant se trouve à l’Abbaye de Fontevraud…vide! 

Est-ce qu’à sa mort la proposition deviendra caduque? L’avenir nous le dira.  

 Ainsi, en proposant une récompense monétaire, peut-être que cela permettrait de savoir enfin où se trouve notre Tourrettan si célèbre!