DE LA SOURCE DE NOTRE SIAGNOLE
L'AQUEDUC ROMAIN JUSQU'À FRÉJUS
(39,4 km dont 4203 m sur Tourrettes)

15 septembre 2022

 

tracé IGN de l'aqueduc romain de Mons à Fréjus

    " À trois quarts de lieu de Fréjus, d'énormes tronçons de ruines commencent à poindre cà et là parmi les oliviers. C'est l'aqueduc romain. L'aqueduc neuf et complet était beau sans doute il y a deux mille ans, mais il n'était pas plus beau que cet écroulement gigantesque répandu sur toute la plaine, courant, tombant, se relevant, tantôt profilant trois ou quatre arches de suite à moitié enfouies dans les terres, tantôt jetant vers le ciel un arc isolé et rompu ou un contrefort monstrueux debout comme un peulven druidique, tantôt dressant avec majesté au bord de la route un grand plein cintre appuyé sur deux massifs cubiques et de ruine se transfigurant tout à coup en arc de triomphe. Le lierre et la ronce pendent à toutes ces magnificences de Rome et du temps." ... voici ce qu'écrivait, dans ses "Carnets de voyage" Victor Hugo, en octobre 1839, lors de son passage en Provence à une époque où ces vestiges étaient plus évocateurs qu'ils ne le sont aujourd'hui.
   Le classement du 12 juillet 1886 aux Monuments Historiques n'a rien transformé à cette description malgré les mesures conservatoires de ces trente dernières années. 

  Les Romains attachaient du prix à l'approvisionnement en eau de Fréjus (Forum Julii) comme en témoignent ses fontaines, thermes publics, installations domestiques et artisanales retrouvées lors des fouilles. 

  L'aqueduc de Mons à Fréjus est la construction la plus prestigieuse que les Romains ont élevée sur le littoral varois. 

  En bâtissant une ville aussi importante que Forum Julii, la première préoccupation des ingénieurs romains était de pouvoir l'alimenter en eau potable, suffisamment abondante et de très bonne qualité. 

  À l'origine des premières constructions, on suppose que les besoins en eau de la cité romaine étaient assurés par des puits et l'eau de pluie récupérée dans les citernes.

   À la fin du premier siècle avant J.C., peu après la bataille d'Actium (31 av. J.C.), l'empereur Auguste décida d'établir à Forum Julii les vétérans de la VIIième Légion.

   Pour fournir de l'eau à cette nouvelle colonie romaine devenue garnison, les ingénieurs choisirent de capter l'eau de la Siagnole à 30 km de la cité et de construire un important aqueduc de 40 km de long.

   Pour les bâtisseurs romains, la construction du canal fut une grande et audacieuse entreprise. Le parcours de l'ouvrage sur le terrain ou à travers les âges, témoigne d'une aventure humaine et technique remarquable.

   L'exploit fut méritoire car, sur une si longue distance, dans un relief très tourmenté , jalonné de falaises abruptes, de vallées profondes, de cours d'eau capricieux, dans une végétation parfois infranchissable, il fallait faire preuve d'ingéniosité et de ténacité. 

  La technique de construction de l'ouvrage, la précision de son tracé, l'élégance de ses arches, révèlent la maîtrise incomparable de ces bâtisseurs de l'antiquité qui avaient comme seuls outils, le marteau et le burin, comme seuls moyens de transport, l'homme, le cheval et la charrette, comme seul engin de levage, le treuil manuel à poulie.

   Cet aqueduc fonctionnera pendant près de 450 ans jusqu'à la destruction volontaire au Vème siècle par les invasions barbares puis démantelé par les hommes pour la construction de certains édifices de l'actuel Fréjus. Depuis son abandon, diverses sections ont disparu, soumises aux effets des intempéries et de la végétation envahissante.

   Pourtant en 1870, pour alimenter en eau pure de toute contamination les villes de Fréjus et Saint-Raphaël, un décret impérial fixe les conditions de partage des eaux de la Siagnole.

   C'est le début de la renaissance de la Siagnole.

   Des travaux de restauration de l'aqueduc romain seront entrepris dès 1890 sur 5 km entre la source et le nouveau partiteur du Jas Neuf, puis partiellement jusqu'à la montagne de Vaux. Le reste nécessitera la pose de canalisations sous pression. L'eau sera amenée au bassin partiteur commun de Pont du Duc, et delà , distribuée dans chaque ville.

   Saluant l'arrivée de cette eau si désirée, Monseigneur Mignot alors évêque de Fréjus s'est écrié  : " Cette eau va apporter une prospérité nouvelle à Fréjus et Saint Raphaël, qui désormais vivent de la même vie puisqu'ils puiseront à la même source, comme deux enfants au même sein maternel. Ces rivages si peuplés autrefois retrouveront leur splendeur passée".


   C'est enfin en 1894 que sera inauguré à Fréjus le retour de la Siagnole, symbolisé par la fontaine des Quatre Continents élevée sur le cours Chevallier devenu place Paul Vernet.


  À Saint Raphaël fût également inaugurée une splendide fontaine en l'honneur de Félix Martin "promoteur du canal". 

  Ce retour si attendu par la population fut aussi l'occasion d'une grande fête pour les Fréjussiens et les Raphaëlois Feux d'artifices et bals clôturèrent les festivités. 

  L'eau de la Siagnole est de qualité exceptionnelle. Elle est appréciée à Mons, Fayence, Tourrettes, Callian, Montauroux, Bagnol-en-forêt, Les- Adrets-de- l'Estérel et les camps militaires de Fréjus. 

  L'eau de la Siagnole cet été nous a encore convaincus qu'elle demeure le trésor à protéger de notre Pays de Fayence et au-delà. 

  (Bernard Montagne, d'après Traianvs,  2002, Acueducto de Frejus, Vito Valenti)