COMMENT  COLLECTER LES IMPÔTS              NOM DE NOM !...                                        Élizabeth Duriez

La Gazeto de « Tourrettes Héritage » N°50

  15 Septembre 2020 


  A l'origine, l'impôt serait un tribut versé à une classe de guerriers qui en défendait le monopole. C'est donc un acte politique né de la sédentarisation et le développement de l'agriculture et ce, dès l’Antiquité. 

  Au Moyen-Age, les rois fixent les impôts en fonction des dépenses qu'ils jugent nécessaires, surtout pour financer les guerres!  

 Mais comment prélever des impôts dans une société où les noms de famille n'existent pas?

   En fait, les noms changent à chaque génération, mais avec peu de variantes car l'on porte le nom de son père. Ainsi, lorsque la population commence à augmenter, on se trouve en présence d'un nombre incalculable d’homonymes dans chaque village. La situation devient vite ingérable. Les parents, pour la plupart analphabètes, utilisent les seuls prénoms qu'ils connaissent, c’est-à-dire ceux qu’ils entendent dans l'entourage de la famille et de la paroisse. 

  Seulement voilà, ceux qui nous gouvernent veulent collecter les impôts, répertorier les terres, traquer les malfaiteurs…Comment fait-on lorsqu'on se retrouve avec une légion de Jean Martin, sachant que les papiers d'identité sont inexistants? Le mauvais payeur disparaît…et l'erreur judiciaire apparaît! (Rappelez-vous l'histoire de Martin Guerre*).  

 Entre le XIe et le XIVe siècles on instaure presque partout en Europe le principe du nom de famille qui va demeurer d'une génération à l'autre.

   Ces patronymes ont principalement des origines que l'on retrouve dans toutes les langues européennes.

 - Le prénom du père, bien sûr: Martin, Vincent…

 - La profession de l'intéressé : Lefebvre (forgeron), Le Sueur (cordonnier en ancien français),  Larcher…

 - Un signe particulier physique: Lebrun, Leroux…

 - Un signe moral : Malandrin (voleur en vieux français)…

 - Le lieu d'habitation: Dutertre, Montagne… 

- La provenance de l’individu  Lebreton, Lallemand, Picard, Hollande… 

  Les administrations vont figer ces patronymes pour les siècles à venir.En France, au XIVe siècle, une ordonnance royale interdit même de changer de nom sans autorisation.

   Il va sans dire que les nombreux orphelins issus de ces temps difficiles sont confiés aux institutions religieuses: celles-ci les nomment souvent du nom du saint du jour de leur découverte.

   Saint Martin étant associé à la charité, le patronyme est ainsi massivement attribué aux enfants trouvés, ce qui justifie qu'il demeure le nom le plus courant en France. D'autres enfants abandonnés sont appelés Trouvé, Lorphelin, ou Avril, Février. 

  En Provence, région particulièrement envahie aux travers des siècles, nous avons à peu près toutes les origines: Lascaris, Carolis (grec), Martel (occitan, celui qui frappe), Pujol ou Poujol (catalan, montagne), Puy (catalan Puig, colline), Maurin, Maurel (origine sarrasine), Mireur (occitan,celui qui regard, surveille), Ulzega (sarde), etc… 

  Que d'imagination et de prétextes pour nous traquer et nous pister pour l’acquittement d’impôts aux noms parfois improbables… (Taille, Gabelle, Dîme, etc). 

       Georges Clemenceau disait : « En France, on plante des fonctionnaires et on récolte des impôts! » 

       *( L'affaire Martin Guerre est une affaire judiciaire d'usurpation d'identité, jugée à Toulouse en 1560, qui a dès cette époque suscité un vif intérêt. Alexandre Dumas l'évoque longuement dans le roman historique Les Deux Diane (1846) et Daniel Vigne, dans le film Le Retour de Martin Guerre.)